LES EMPIETEMENTS DU GOUVERNEMENT FEDERAL
Si la province de Québec et les Canadiens français, en particulier manifestent quelque appréhension devant les visées centralisatrices du gouvernement fédéral, il n'y a aucunement lieu de s'en étonner. Nos pères se sont battus contre l'union legislative du Canada, il y a un siècle, et les motifs que nous aurions aujourd'hui de repudier un tel régime politique pour notre pays sont plus grands encore, étant donné l'expansion qu'a prise le Canada depuis 1867 et surtout la constitution de nombreux groupements canadiens-français en dehors du Québec. La centralisation législative sonnerait le glas de tous ces groupes français du pays, parce que serait annihilé leur seul véritable point d'appui.
Québec demeure le château fort de la résistance aux visées centralisatrices du governement fédéral. Un tel énonce fait sourire certains pour qui le régime central ne peut être mû que par les plus nobles et plus purs desseins. Il y a aussi les rêveurs, ceux qui vivent dans une autre planète, ou encore ceux qui, soit intérêt personnel, soit intérêt de parti, tâchent de se convaincre que le gouvernement fédéral ne peut entretenir de noires intentions contre personne.
Peut-être bien; mais encore faudra-t-il nous expliquer comment il se fait que, depuis une quarantaine d'années au moins, le gouvernement fédéral a tellement tenté de se substituer aux provinces dans les domaines aussi importants que la sécurité sociale et l'enseignement, par exemple?
Réduire les provinces à quia, les acculer au pied du mur, ne voilà-t-il pas la politique qu'Ottawa a sans cesse tenté d'appliquer depuis une vingtaine d'années, surtout depuis la présentation, en 1940, au rapport Rowell-Sirois sur les problèmes constitutionnels?
Si, depuis une vingtaine d'années, la proportion des revenus que touchent les gouvernements fédéral et provinciaux a tellement changé, n'est-ce pas parce que le régime central a envahi des domaines d'imposition auparavant réservés aux autres paliers de gouvernement, les privant, au même coup, d'importantes sources de revenue?
On sait que c'est à la faveur de la première Grande Guerre que le gouvernement fédéral est entré dans le domaine des impôts directs, domaine que la constitution reserve aux provinces. Vu qu'il s'agissait d'un etat d'urgence nationale, le gouvernement fédéral se croyait autorise à recourir à cet impôt au moins temporairement. C'était bien l'argument qu'avançait Sir Thomas White, ministre des Finances durant la première guerre. La levée d'un impôt fédéral sur le revenu des particuliers serait temporaire, uniquement pour la durée du conflit, disait-il. On sait aujourd'hui comment le temporaire du gouvernement fédéral acquiert rapidement le sens au permanent et quelles proportions fantastiques ce faible impôt a prises à la faveur de la seconde guerre mondiale et des autres conflits auxquels a été mêle le Canada.
D'ailleurs, les mesures temporaires du gouvernement fédéral ressemblent etrangement aux accords libres offerts aux provinces. Ce sont des accords que les provinces sont "librement" tenues d'accepter, sans quoi elles seraient réduites à la famine et à la mendicité!
Le gouvernement fédéral a empiété sur maintes prérogatives des provinces. Il y a plus, en effet, que les impôts directs, l'impot sur le revenu des particuliers et des sociétés (impôts qui rapportent des milliard de dollars chaque année, les impôts aur les successions; il y a le domaine social qu'a envahi le gouvernement fédéral dès 1927 par sa loi sur les pensions de vieillesse et qu'il n'a pas quitte depuis, bien au contraire puisqu'à cette première loi sont venues s'en ajouter bien d'autres qui prévoient, par exemple, l'aide aux infirmes et aux aveugles, la pension universelle de vieillesse à compter de soixante-dix ans, les allocations familiales, sans omettre, il va de soi, l'assurance-chômage à l'égard de laquelle il a fallu, cette année-là,inviter Londres à modifier notre constitution afin d'inclure l'assurance-chômage dans les catégories de sujets énumeres à l'article 91 de l'acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867.
Devant l'appétit dont fait preuve le régime central et compte tenu de toutes les valeurs que représente pour nous le respect de la constitution, il faut à tout prix, pour assurer le maintien de nos particularités ethniques les plus précieuses, revenir à l'esprit qui a inspire les auteurs du pacte féderatif: l'établissement et l'essor, par les voies pacifiques de l'entente et du respect mutuel, de aeux races distinctes dans le Canada que nous aimons tous.