Et puis, j'aurais quelqu'un avec moi pour me désennuyer au lieu du vieux Pit Beaucage qui sent la boucane et le tabac à chique." "Comme ça, papa, c'est décidé," dit-elle en le fixant de ses grands yeux sombres ... et elle souriait, espiègle, sûre d'avance de sa victoire... "Es-tu folle, petite? Voyons! Tu ne peux pas venir là-bas - c'est à quatre cents milles d'icitte -le chemin de fer se rend rien qu'à Bonfield! Après ça i'y a les portages, les traversées, les sentiers "roffes", les bagages ... les mouches... Pauvre enfant, tu vas crever en route." Elle sourit. "Je ne suis pas si feluette que ça; j'ai du St. Jean dans les veines. Le voyage, ce n'est rien. Vous serez là pour me protéger. Et puis j'ai hâte de voir tout ce beau pays: passer par Québec, les trois Rivières, Montréal, Byetown, Mattawa, l'Eau Claire, Bonfield, la tête-dû Lac Nosbonsing, le fort Laronde, le beau lac Nipissingue, la Mission . . . votre place, papa. Depuis que je suis toute petite que vous me le racontez ce voyage; je veux le vivre maintenant. Je vais y aller faire la classe à la mission du St. Esprit!" Il invoqua la fatigue, le froid, le danger, l'isolement, l'hiver qui n'en finit plus dans une petite cabane sombre, pleine de courants d'air ... le danger des bêtes. . . des hommes aussi. Mais rien n'y faisait . . . "S'il le faut", dît-elle, "je partirai seule, et j'irai vous "rejoindre". "Bon! dit Nicolas, tu viendras avec moé!" Mais déjà il regrettait sa faiblesse.